Ces espèces qui surfent sur la vague des échanges planétaires
Juste paru dans le journal ”Ecology Letters”, l’article de Seebens et de ses collègues intitulé ”The risk of marine bioinvasion caused by global shipping” révèle combien le taux des invasions biologiques marines a crû au cours des dernières décennies. De quoi s’agit-il ? De quoi parle-t-on ? J’ai demandé des explications avec des exemples concrets à Frédérique Viard, directrice de recherches au Cnrs, biologiste, spécialiste des invasions biologiques en milieu marin et plongeuse scientifique.

L’article de Seebens et collègues parle d’espèces invasives. Mais de quoi s’agit-il ? Ces espèces sont également appelées espèces introduites ou espèces non-indigènes : il y a débat sur la terminologie la plus appropriée à utiliser mais l’ensemble fait référence au même processus. Les espèces introduites sont des espèces qui ont vu leur aire de distribution augmenter de façon souvent spectaculaire et soudaine, et ceci à cause des activités humaines.

Un exemple plutôt qu’une longue explication : l’huître creuse (Crassostrea gigas), que nous pouvons voir en plongée ou dans notre assiette ! Cette huître cultivée le long des côtes françaises est une espèce d’origine asiatique, introduite au cours du XXe siècle et particulièrement dans les années 1970 pour relancer la conchyliculture suite à la quasi-disparition, à la suite de maladies, des espèces d’huîtres exploitées jusqu’alors (par exemple, ”la portugaise” Crassostrea angulata ou l’huître plate Ostrea edulis). Elle n’a pas été introduite qu’en Europe, et elle est aujourd’hui présente à une échelle mondiale. Il s’agit ici d’une introduction volontaire. Cependant dans la majorité des cas, les introductions d’espèces sont accidentelles et concernent des espèces non exploitées par l’homme. Ces espèces peuvent néanmoins s’installer de façon durable dans les écosystèmes. Par exemple, l’algue brune sargasse (Sargassum muticum) peuple aujourd’hui les côtes du Portugal à la Norvège dans l’Atlantique Nord et celles du Mexique à l’Alaska dans le Pacifique. Or, la sargasse, d’origine asiatique, a été introduite dans les années 1940 en Amérique du Nord puis dans les années 1970 en Europe, de façon tout à fait involontaire dans les deux cas. Les deux exemples ci-dessus illustrent bien la rapidité et l’extraordinaire capacité d’acclimatation de certaines espèces dans des habitats très éloignés de leur aire de distribution naturelle.
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