Apnée et relaxation

Détente, plaisir, sérénité… Des mots ? Des sensations surtout, à expérimenter ! L’apnée est un chemin de découverte de soi. L’écoute du corps est indispensable à l’apnéiste.

L’écoute du corps est indispensable à l’apnéiste. La concentration sur les ressentis de l’instant présent entraîne le lâcher prise et la détente. Quatre questions à Hélène Schwann, instructrice nationale apnée et sophrologue.


Quelles sont vos compétences ?

À l’origine, je pratiquais le hockey subaquatique et la plongée bouteille. En 2001, je suis d’ailleurs devenue monitrice fédérale (MF1) puis j’ai obtenu mon BEES1 en 2013. Je me suis également spécialisée en plongée libre avec, à la clé en 2011, mon MEF 2 apnée. L’apnée, je l’ai découverte au Massilia Sub avec Morgan Bourch’is. Tombée sous le charme de la discipline, j’ai participé à la sécurité des championnats de France d’apnée depuis leur création, ainsi qu’à des entraîne-ments en vue de compétitions internationales, dont le championnat du Monde par équipe AÏDA en 2006 en Égypte (apnée statique, dynamique et poids constant). Côté performances, j’ai obtenu un titre FFESSM de championne PACA et Corse en 2014. En parallèle à mes activités subaquatiques, j’ai validé mon diplôme de sophrologue.

De quelle manière partagez-vous cette double casquette d’apnéiste et de sophrologue ?

Actuellement, je transmets mon expérience au sein du club associatif Apnée Côté Bleu(1) qui se situe près de Marseille, dans la calanque de Méjean à En-suès-la-Redonne. Je m’occupe de pratiquants aux profils, motivations et objectifs très variés. Du plus novice souhaitant juste s’initier à l’apnée au compétiteur dési-reux de se préparer au mieux à la performance. Nombreux sont aussi mes élèves qui, à travers l’apnée, veulent découvrir avant tout de nouvelles sensations, pro-fiter du milieu marin ou cherchent juste la détente, le bien-être et la santé. À ce sujet, j’ai été de la première formation Sport Santé (2019).

Comment intervient la sophrologie dans l’apnée ?

Pratiquer la sophrologie, c’est être à l’écoute de sa respiration, de ses sensations. Elle aide à développer sa capacité à se détendre, à travailler le lâcher prise et à vivre l’instant présent. Enfin, la sophrologie permet d’améliorer concentration, confiance en soi et motivation, à travers des techniques spécifiques comme la relaxation dynamique.

Concrètement, comment s’organisent vos séances ?

Je mets en place des routines en utilisant le yoga avec la salutation au soleil et le lien avec la nature. Puis une phase de préparation en surface, au sec, par le biais d’étirements et de la conscience de sa respiration, sans oublier le travail de visualisation de chaque détail de la descente à réaliser. En ce qui concerne l’as-pect purement technique, je propose de découvrir deux formes de l’apnée, l’immersion libre et le poids constant, et d’apprendre les bases de l’apnée verticale. L’apprentissage d’un état de détente juste avant l’apnée passe, par exemple, par la pratique de la loutre(2). En s’immergeant de la manière la plus détendue, les résultats obtenus sont parfois saisissants. En deux séances à peine, un candidat au niveau 4 bloqué par la descente à -10 mètres en apnée à réaliser lors de l’examen va non seulement y parvenir haut la main, mais en plus y prendre plaisir. J’ai eu aussi, c’est ma petite fierté, la chance d’initier une jeune femme, Nadia Noël-Gravier, venue à l’origine pour découvrir l’apnée, et qui terminera dès sa première saison de compétition championne de France(3)

LE TERPNOS LOGOS

Emprunté au grec, l’outil majeur utilisé en sophrologie se nomme terpnos logos. L’expression procède d’une forme de stimulus apporté par la voix posée du thérapeute. Cette technique permet, entre autres, d’entrer en relation de façon privilégiée avec la personne, de manière naturelle, afin d’accéder à un certain relâchement neuromusculaire. Par le son de la voix, il s’agit aussi de l’aider à analyser ce qui se passe en elle. Le texte ci-dessous qu’Hélène Schawnn a eu la gentillesse de partager pour Subaqua, est adapté de son expérience de l’apnée, notamment lors de la préparation de compétiteurs. Emploi du « nous », répéti-tions des mots, appel à la précision du geste ainsi qu’à la notion de confiance dans les apnéistes de sécurité… Tout concourt dans cette narration à rassurer l’athlète pour qu’il se sente détendu, la détente amenant la performance. 

Nous prenons le temps d’ajuster notre posture, de trouver notre confort. Nous pouvons commencer par quelques respirations plus profondes qui contribueront à notre recentrage. Et quand nous nous sentirons prêts nous pourrons accueillir la ferme-ture de nos yeux. Nous pouvons prendre conscience des points d’appuis de notre corps avec le support. Et nous laissons passer les pensées, les idées, les bruits pa-rasites, nous laissons passer tout ce qui n’est pas utile en cet instant. Nous les lais-sons passer comme des bateaux qui passent sur la mer sans s’arrêter. Nous allons porter notre attention sur notre corps en commençant par notre tête. Nous portons notre attention sur notre crâne, notre cuir chevelu, notre front qui peut-être se lisse, nos sourcils qui peut-être s’écartent, tous les petits muscles autour de nos yeux qui peuvent se détendre, notre mâchoire qui se détend. Présence en conscience de l’ensemble de notre tête. Et notre attention glisse sur notre cou, notre nuque, nos épaules, toute la face externe de nos bras et le dessus de nos mains jusqu’au bout de nos doigts, jusqu’au bout de nos ongles. Notre attention vient se porter sur les paumes de nos mains, nos poignets se libèrent, la face interne de nos bras, notre cage thoracique et le haut de notre dos. Présence en conscience de notre thorax et de nos bras. Et notre attention se porte sur nos abdominaux, notre ventre, toute la région lombaire et le bas de notre dos. Présence en conscience de notre abdomen. À présent notre attention se porte sur notre bassin, nos hanches, l’espace entre nos hanches, nos fessiers qui se détendent, et nos jambes qui peuvent se détendre, jusqu’à nos pieds au contact du sol. Présence en conscience de tout le bas de notre corps.

À présent nous portons notre attention sur notre corps dans sa globalité de la tête jusqu’au pied, des pieds jusqu’à la tête. Notre niveau de conscience est légèrement modifié entre veille et sommeil. Nous sommes dans une qualité de présence, une qualité d’intégration. Nous allons profiter de cet instant pour nous visualiser avant notre performance en poids constant pour les championnats FFESSM. Nous arrivons sur le quai pour prendre la navette direction le site. Nous sommes en compagnie d’autres compétiteurs de notre niveau de profondeur. Le silence règne à bord. Nous sommes concentrés. Nous débarquons sur le bateau d’échauffement. Nous gardons avec nous notre filet avec les affaires minimums. À l’appel de notre nom en zone d’échauffement nous pouvons nous mettre à l’eau pour 30 minutes de préparation avant la perf. Accompagné de deux apnéistes de sécu, nous partageons le câble d’échauffement avec un autre athlète. Notre protocole est rodé. Plus de question sur ce qui est le mieux pour nous. Nous déroulons comme à la maison. Dix minutes avant la performance, nous nous détendons et nous nous laissons accompagner par l’apnéiste de sécu qui nous amène sur zone. Au niveau du bateau de performance, les profondimètres de l’organisation sont installés au poignet du compétiteur.

Nous nous laissons porter et glisser jusqu’au câble de compétition.
Cinq minutes avant la performance, nous sommes accrochés avec la longe au câble de compétition. Nous nous détendons sur le dos. Le sourire bienveillant de la coach nous accompagne. Nous sourions et nous détendons.
Trois minutes avant le départ. Deux minutes avant le départ. Une minute trente avant le départ. Une minute avant le départ. Trente secondes avant le départ. Vingt secondes avant le départ. 10, 5, 4, 3, 2, 1… Top départ !
Notre dernière expiration complète est suivie d’une grande inspiration complète.
Et c’est parti…


(1) Contact : apnee.cote.bleu@gmail.com ou @apneecotebleu
(2) Dans cette technique d’immersion, l’apnéiste est au départ allongé sur le dos, puis se tourne face à l’eau pour un canard « sans élan ». Tout se fait dans la douceur tant que les voilures des palmes ne sont pas entièrement immergées.
(3) Nadia Noël-Gravier a obtenu la médaille d’or en poids constant monopalme lors des Championnats de France d’apnée 2016 avec une performance de -50 mètres.