Apprendre à se détendre

Si, à la lecture des interventions précédentes, les bienfaits subaquatiques sont incontestables, il existe un revers à la médaille...

Si, à la lecture des interventions précédentes, les bienfaits subaquatiques sont incontestables, il existe un revers à la médaille. En effet, s’immerger peut, chez certaines personnes, être source de peur (aquaphobie) et/ou d’appréhension. Heureusement, des solutions existent pour pallier ces difficultés et permettre ainsi de profiter pleinement du plaisir de la plongée. Par Jérôme Palazzolo, médecin psychiatre et moniteur fédéral (MF2).

La pratique de la plongée subaquatique peut générer des angoisses dont les causes sont multiples : appréhension, froid, perte des repères terrestres, déshydratation, etc. Pour certains plongeurs, le stress ressenti en-traînera une diminution des capacités d’attention, une altération du traitement de l’information, une distraction par des pensées parasites, des préoccupations, ou encore des difficultés concernant la prise de décisions. Ce stress est aussi à l’origine de problèmes de coordination motrice, de mauvais timings, d’impulsivité ou de fatigue extrême. Enfin, il peut contribuer aux blessures dues à une tension musculaire excessive ou à un manque de concentration. Face à une telle problématique, la mise en œuvre de techniques simples visant à mieux gérer son anxiété avant de s’immerger s’avérera très bénéfique.

LA RELAXATION : AGIR SUR LE MENTAL PAR UN TRAVAIL CORPOREL

La relaxation regroupe un ensemble de méthodes qui modifient le comportement de l’individu par un travail sur ses propres sensations corporelles. Ces méthodes reposent toutes sur quelques principes de base. Le premier part d’une constatation fonda-mentale : il existe un lien entre tension mentale et tension musculaire. Ainsi, l’état de contraction des muscles s’accompagne d’une tension psycholo-gique intérieure et, réciproquement, le relâchement musculaire induit une détente psychique. Les va-riations de la tension musculaire sont donc un bon indicateur de l’évolution du stress du plongeur. L’ap-prentissage par le plongeur du contrôle volontaire du tonus musculaire (prise de conscience localisée de la contraction/décontraction musculaire) va lui per-mettre d’effectuer un relâchement de ses muscles, procurant alors un état de bien-être. La relaxation, en diminuant l’état de tension musculaire, permet une certaine maîtrise du stress et un contrôle de l’angoisse. Chez le plongeur, un tel apprentissage améliore du même coup les capacités de concen-tration, favorise la mobilisation rapide et optimale de l’énergie par stimulation de la vigilance, facilite la récupération et atténue la fatigue provoquée par la plongée.

LA RELAXATION PROGRESSIVE

Une des deux méthodes les plus utilisées est la re-laxation progressive (méthode de Jacobson). Son principe repose sur le constat que l’apprentissage de la relaxation musculaire peut s’utiliser pour dimi-nuer ou prévenir l’activation émotionnelle suscitée par un événement comme l’immersion (réduction de l’angoisse liée à la plongée et amélioration des performances). L’entraînement mental découle de la similitude, au niveau nerveux, entre mouvement pensé et mouvement effectué. Le schéma nerveux est activé de la même manière, que le geste soit effectué en réalité ou simplement pensé. Dès lors, pourquoi ne pas utiliser la visualisation d’un geste technique – ce qui permet de le décomposer – plutôt que de l’effectuer trop vite ou trop souvent sans prendre le temps de l’effectuer directement correctement ? Il en est de même lorsque l’on préconise d’imaginer les sensations du mouvement avant de l’effectuer, ce qui permet de développer la coordination et la précision du geste, l’équilibre et la verticalité du corps.

L’ENTRAÎNEMENT AUTOGÈNE (MÉTHODE DE SCHULTZ)

Au contraire de la relaxation progressive, le training autogène est une méthode globale où la détente psychique passe par un processus de concentration sur une image mentale de relâchement. Il s’agit là d’une méthode intérieure d’en-traînement, simple et progressive, dirigée par la personne elle-même, qui aboutit à un état de relaxation et de détente. Son intérêt premier est qu’elle n’exige que quelques minutes par jour et ne demande aucun effort particulier, ni ne repose sur une croyance précise. Le training autogène a pour vocation d’optimiser la relation qu’entretient le plongeur avec son propre corps, grâce au contrôle du tonus musculaire, de la circulation sanguine et de la température. Il s’agit donc d’acquérir une maîtrise consciente de processus physiques involontaires. Pour ce faire, l’apprentissage est axé sur l’utilisation de la visualisation et des affirmations positives, comme dans l’hypnose. En éveillant ainsi une écoute active à son propre corps, le plongeur profite de ce que l’on appelle un biofeedback : peu à peu, son contrôle des fonctions dites involontaires (rythme cardiaque, fréquence respira-toire) se développe, sa perception est accrue. Ces informations sensorielles, exté-rieures et intérieures, concourent alors à une prise de décision optimale au cours de la plongée. Le plongeur utilise mieux son énergie, ses mouvements se font plus précis. Son schéma corporel, sa relation au corps et sa récupération physique se voient aussi améliorés. Enfin, la technique du training autogène a également des effets positifs sur la concentration et l’attention (toutes deux parallèlement travail-lées lors de son apprentissage). Au niveau psychologique, cela peut être un moyen de supprimer les effets négatifs liés au stress, à l’anxiété, à la crainte de l’erreur.

LES SIX ÉTAPES DU TRAINING AUTOGÈNE
Dans son premier niveau de pratique, le déroulement du training auto-gène suit six étapes. Celles-ci sont précédées d’une phase préalable de détente, initiée par des cycles respiratoires où l’expiration est deux fois plus longue que l’inspiration. À chaque phase, l’entraînement consiste à éveiller dans son corps différentes sensations. Dans l’ordre : pesanteur dans les membres, chaleur dans les membres, calme et régularité des battements cardiaques, lenteur et régularité de la respiration, chaleur et souplesse dans le plexus solaire, fraîcheur au niveau du front.
Pour profiter pleinement du résultat final il est conseillé de ne passer à la phase suivante que lorsque la sensation recherchée apparaît clairement et facilement. Arrivé à l’étape 6, un état de relaxation dit autogène est généré. Cette méthode est propice à un travail de visualisation, où l’imagination peut travailler efficacement à la réalisation des objectifs du plongeur, comme cela peut être fait au cours d’une séance d’hypnose. Un travail efficace permet d’accéder rapidement à un état de relaxation et de détente. En trois mois de travail régulier, le training autogène est considéré comme acquis.

LA SOPHROLOGIE : SCIENCE DE LA PRÉPARATION MENTALE

Outil de restructuration, la sophrologie est avant tout une discipline qui étudie la conscience humaine. Cette philosophie humaniste part du postulat qu’il existe une unité du mental et du corps. Ce postulat, tout à fait transposable à la plongée, signifie qu’une action positive sur le mental entraînera une répercussion bénéfique sur le corps. Débutant par des exercices respiratoires, l’entraînement sophrolo-gique développe le savoir-être pour optimiser le savoir-faire. Progressivement, des relaxations statiques et dynamiques sont effectuées. Après ce travail de base, des séances spécifiquement adaptées au plongeur sont mises en œuvre.

La pratique de la sophrologie permet d’acquérir un ensemble de techniques dont le but est d’enrayer les effets pervers du stress en le régulant. Elle favorise la connaissance et la maîtrise du corps en développant le sens proprioceptif (capaci-té à sentir son corps) et le sens kinesthésique (capacité à sentir le positionnement de son corps dans l’espace, les mouvements et les accélérations). Le geste gagne alors en précision et les sensations deviennent plus subtiles. La sophrologie per-met, par ailleurs, d’améliorer les capacités de concentration. Il est alors plus aisé pour le plongeur de s’impliquer dans l’instant présent sans se laisser perturber par les évènements extérieurs ou se laisser envahir par le doute. En effet, ce type de travail optimise la motivation et la confiance en soi. Il permet de ne plus s’encom-brer des diverses limites psychiques que la personne s’impose inconsciemment, l’empêchant d’être sereine alors même qu’elle est en bonne condition physique. L’effort est alors appréhendé avec plus d’efficacité. Les muscles qui ne travaillent pas sont relâchés, et l’énergie peut ainsi être réorientée vers les groupes muscu-laires nécessaires au mouvement. Le plongeur profite d’un équilibre accru quand le corps est décontracté dans l’action. La tension nerveuse et musculaire se limite à ce qu’elle doit être, sans les excès coûteux habituellement provoqués par le stress.

LA VISUALISATION : L’ART DE LA PRÉPARATION MENTALE

Cette procédure se réfère aux trois canaux majeurs de la représentation mentale, vision, audition et toucher, pour mettre en condition psychologique la personne. Ce travail psychique spécifique se traduit par la répétition sym-bolique d’une action motrice en dehors de son exécution réelle. La répétition peut être verbale ou le plus souvent imagée. Ainsi, le plongeur utilisera des images visuelles, parfois aussi auditives, pour évoquer ses actions. En fait, la visualisation désigne un substitut mental utilisé pour évoquer, imaginer ou schématiser une situation, une technique, voire une plongée particulière. Ce substitut mental permet de se forger des modèles internes du réel auxquels se référer. La visualisation agit sur le physique en activant les circuits avant l’action (c’est ce que l’on appelle une réponse subliminale). Elle peut se pratiquer partout, surtout en cas de fatigue.

DES BÉNÉFICES MULTIPLES

La visualisation a pour but de « déprogrammer » le plongeur pour recons-truire un programme plus efficace. Il s’agit d’amener le pratiquant à faire face aux événements stressants en modifiant ses perceptions, en éliminant les pensées et les images négatives. Ainsi, l’anxiété liée à l’immersion di-minuera et la personne sera à même de gérer son état de tension. Comme il est souhaitable de se relaxer avant d’imaginer, l’approche proposée en visualisation se fait généralement à partir des techniques de relaxation, de relâchement et de décontraction. La relaxation associée à la visualisation vise à optimiser la période pré-plongée (avant même la mise à l’eau) et la gestion de la plongée elle-même. Lors de l’immersion, il faut éviter les incertitudes et les imprévus liés au matériel utilisé, à l’environnement et à la gestion du temps. Dans cette optique, la visualisation offre plusieurs avan-tages : économie d’énergie, automatisation de la technique, amélioration du geste, projection dans l’avenir en imaginant le spot de plongée, la faune et la flore rencontrées évitant ainsi tout effet de surprise négative. La visua-lisation aide aussi à bâtir ou rebâtir la confiance et à garder un niveau de vigilance suffisant, à se focaliser sur la tâche du moment, à s’adapter à de nouvelles situations et, enfin, à se motiver atteindre ses objectifs personnels. À noter que si la visualisation représente un bon moyen d’accession à la performance, elle est conditionnée par la mise en place d’une organisation particulière.

LES ÉTAPES DE LA VISUALISATION

Fonctionnant sur le mode de l’anticipation, la visualisation présente l’avan-tage d’être rapidement accessible et facile à utiliser. Elle peut parfois donner l’impression d’appartenir à l’ordre du « magique » mais ne doit, en aucun cas, remplacer l’entraînement physique. On distingue plusieurs étapes dans la vi-sualisation basées sur la représentation : imagerie visuelle (se voir faire, se voir exécuter une technique) et imagerie kinesthésique (se sentir faire). Le but de l’entraînement mental est de passer du « voir faire » au « sentir faire », c’est-à-dire passer du visuel au kinesthésique. Pour cela, des objectifs clairs doivent être tout d’abord définis par un questionnement approprié : qu’est-ce que je veux ? Que suis-je capable de faire ? Le résultat visé est-il réalisable ? Quels sont les moyens à mettre en œuvre pour l’atteindre ? De quelles ressources ai-je besoin ? Quelles sont les étapes à parcourir ? Par quoi commencer ?, etc. Ensuite, respecter les modalités de communication dites VAT (pour vi-suel, auditif et toucher) : savoir écouter et observer, être flexible, faire preuve d’adaptabilité face aux aléas de la plongée et avoir une bonne hygiène de vie. Enfin, dans un but d’efficacité, mettre en place une stratégie pour suivre ces objectifs dans une démarche adaptée, avec contrôles et réajustements per-manents. Organiser sa plongée, c’est donc suivre le schéma suivant : anticiper à se motiver à gérer (le stress, la fatigue…


Une étude récente a démontré que les personnalités sujettes au stress ont un risque doublé d’avoir des réactions inappropriées en plongée. Si, fort heureuse-ment, la plupart d’entre elles, grâce à l’enseignement reçu, évitent les dange-reuses remontées non contrôlées, relaxation, sophrologie et visualisation aideront à maîtriser ce stress, à l’instar d’autres angoisses comme la peur de l’eau. C’est-à-dire de le réduire voire de l’éliminer pour permettre à ces pratiquants de profiter pleinement du plaisir et des bienfaits à évoluer en immersion.

POUR EN SAVOIR PLUS : « Ma bible des TCC » (thérapies cognitives et comportementales), Leduc Éditions, par Jérôme Palazzolo (2021).

LE TRAVAIL EN SOPHROLOGIE

Il se décompose en trois étapes :

  • Apprendre et s’approprier des méthodes de relaxation pour récupérer plus vite et de manière plus efficace.
  • Utiliser ce que l’on appelle l’état de conscience modifiée (état de vigi-lance entraîné par la relaxation, également appelé état alpha) pour tra-vailler certains gestes techniques, visualiser des situations spécifiques, améliorer ses capacités mentales pour optimiser l’apprentissage et le perfectionnement.
  • Apprendre à gérer son stress grâce à une meilleure confiance en soi. L’objectif est en définitive de mieux se connaître, physiquement et men-talement.