Plonger pour lutter contre le stress

La plongée sous-marine peut-elle diminuer significativement le niveau de stress du pratiquant ?

Deux études scientifiques récentes, DivStress et DivHope, lancées respectivement en 2015 et 2017, le démontrent. Malgré leurs noms, travaux internationaux obligent, elles ont été conduites par des équipes françaises. Le docteur Mathieu Coulange en détaille les principales conclusions.
Par Mathieu Coulange, médecin hyperbare, subaquatique et maritime, chef de service au CHU Ste Marguerite (Marseille). Images de l’auteur.

En 2015, un programme de recherche visant à démontrer les bienfaits de la plongée sur le stress a été mis sur pied. Baptisé DivStress, ce projet s’inscrivait dans le cadre du master d’un étudiant, Frédéric Beneton, de notre unité de recherche de physiologie en condition extrême à l’université d’Aix Marseille, en collaboration avec l’Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA) et l’UCPA. Il s’agissait d’établir une comparaison entre un groupe de personnes pratiquant la plongée loisir et un second groupe, ne faisant pas d’activité subaquatique, mais de l’escalade ou du kayak. Qu’avons-nous constaté ? Que les plongeurs voyaient diminuer de façon significative leur niveau de stress de la vie quotidienne, tout en améliorant leur capacité à gérer les imprévus. Publiés en 2017(1), les résultats de l’étude ont eu un succès médiatique, dépassant le cadre purement scientifique de niveau international.

Effets thérapeutiques

Comment donc expliquer l’origine des bienfaits observés ? Deux hypothèses coexistent. La première est basée sur la technique du contrôle de sa respiration et la seconde fait appel à la pleine conscience (notion abordée précédemment par l’oncologue médicale Élisabeth Carola, à lire sur cette page).

LE CONTRÔLE RESPIRATOIRE

L’ensemble de nos organes est en permanence contrôlé par deux systèmes antagonistes appartenant au système nerveux autonome. D’un côté, le système dit accélérateur (voie adrénergique/système sympa-thique). Il permet d’augmenter le métabolisme et intervient, entre autres, lorsque nous sommes confrontés à un danger imminent, acculés à la fuite ou à la nécessité de se battre. De l’autre, un système inhibiteur, dit aussi freinateur (nerf vague/système parasympathique) permettant de se reposer et de récupérer. Or, en cas de stress chronique, il est observé que le système parasympathique s’éteint progressivement. N’étant plus contrebalancé, le corps est donc en permanence stimulé par le système sympathique jusqu’à épuisement total. Un des moyens de réactiver le système sympathique, bien connu et présent dans toutes les techniques de relaxation, passe par le contrôle ventilatoire. En effet, en adoptant une ventilation lente et ample, c’est-à-dire une fréquence de 6 ventilations par minute (au lieu de 12 respirations par minute) pendant une durée d’une dizaine de minutes, session répétée plusieurs fois par semaine, on rééduque le système parasympathique. Concrètement, cette respiration lente contrôlée pousse la masse sanguine intrathoracique à chaque mouvement ventilatoire vers des capteurs pressionnels situés dans les caro-tides, qui vont en retour stimuler le système parasympathique. Une telle technique se met en place de façon inconsciente chez le plongeur grâce à l’utilisation du détendeur et des effets de l’immersion sur la ventilation. En effet, une fois sous l’eau, détendeur en bouche, on inspire et expire automatiquement de manière plus lente et plus ample. De plus, la contention de l’eau sur les tissus mous, membres inférieurs et abdomen, entraîne une redistribution des volumes sanguins périphériques vers le thorax, et ainsi majore la mobilisation des volumes sanguins intrathoraciques vers les carotides à chaque mouvement ventilatoire.

LA PLEINE CONSCIENCE

Elle permet de recentrer son attention sur le moment présent pour oublier les flux de pensées négatives qui hantent en permanence notre esprit. Pour cela, il faut favoriser l’éveil des sens dans un environnement calme et inhabituel. Rien de mieux que la plongée pour atteindre cet état de façon totalement involontaire.

Faisant suite aux résultats encourageants mis en évidence par le programme DivStress, une seconde étude comparative a vu le jour en 2017, appelée DivHope (hope signifie espoir en anglais). Cette fois, il ne s’agissait plus de s’intéresser à des sujets lambda mais à des victimes d’un traumatisme fort, en l’occurrence un panel d’une trentaine de personnes ayant survécu aux attentats terroristes de Paris de 2015 (attaque du Bataclan, des terrasses et du stade de France). Cette étude s’est déroulée en Gua-deloupe où, à travers l’expertise du moniteur de plongée et sophrologue Vincent Meurice, un protocole d’immersion a été adapté afin d’optimiser les deux facteurs clés évoqués précédemment, à savoir la technique de contrôle respiratoire et la pleine conscience. L’étude est en phase de publication mais les résultats obtenus démontrent, encore une fois de manière significative, que pour la quasi-totalité des rescapés des attentats faisant partie du groupe plongée, on observe un abaissement des indicateurs du stress en dessous du seuil correspondant à une intensité élevée, c’est-à-dire traumatique. Au-jourd’hui, nous travaillons avec des blessés psychiques de l’armée de Terre, des soldats de retour de théâtres d’opérations et souffrant de syndromes post-traumatiques. Dans leurs cas aussi, les données préliminaires indiquent un bénéfice significatif, avec une baisse du niveau de stress.
En conclusion, s’immerger permet d’entrer dans un environnement radicalement différent, où la pe-santeur, les sons et la lumière se perçoivent différemment. L’expérience permet de s’échapper des contraintes du quotidien. Surtout, la plongée a des vertus thérapeutiques, en particulier grâce au contrôle respiratoire. Son action permet, en effet, de rétablir l’action du système neurovégétatif, dont le bon fonctionnement s’est retrouvé bloqué par un traumatisme. 

(1) Recreational Diving Practice for Stress Management : An Exploratory Trial, par Beneton F, Michoud G, Coulange M et al., Front Psychol. 2017 Dec 18;8:2193.

POUR EN SAVOIR PLUS

DivHope : une étude sur l’effet de la plongée sous-marine sur le stress post-traumatique (2018)

La plongée au secours des victimes du terrorisme (2018).

La plongée pour soigner le stress post-traumatique (2018).