Rencontre avec Arnaud Jerald recordman du monde d'apnée

Les chiffres tout d’abord : 3 minutes et 24 secondes d’apnée, 112 mètres de profondeur. En retenant son souffle près de trois minutes et demie, Arnaud Jerald s’est ainsi enfoncé dans les eaux bleues du Péloponnèse (Grèce) pour descendre bien au-delà de la barre des 100 mètres et en remonter. Le tout à la force des jambes, chacune chaussée d’une palme. Avec à la clé, le mardi 15 septembre, un record du monde en poids constant bi-palmes, le second après ses -108 m en 2019. Pour Subaqua, le jeune marseillais (24 ans) revient sur son record, parle de son quotidien et de ses projets pour 2021.

Arnaud Jérald (Kalamata - Grèce) - Copyright Takuya Terajima

© Takuya Terajima

Subaqua : Bien que cela date de trois mois, peux-tu revenir sur ce record ?

Arnaud Jerald :
C’est au sortir du premier confinement, quand j’ai repris l’entraînement, que le projet a commencé à se dessiner. Il fallait pallier les annulations successives des compétitions. Très vite, récupérer mon précédent record(1) est devenu l’objectif majeur de la saison 2020, ainsi qu’une motivation supplémentaire pour s’entraîner profond. Une première tentative de record a été organisée au cœur de l’été, à Villefranche-sur-Mer où j’ai atteint -111 m. Malheureusement, cette performance n’a pas été validée par les juges pour des raisons de protocole. Bien que déçu, je me suis concentré sur le rendez-vous de septembre à Kalamata en Grèce, une étape de Coupe d’Europe d’apnée. Si l’épreuve a été, elle aussi, annulée à cause de la crise sanitaire, la commission apnée de la CMAS a néanmoins maintenu une compétition à laquelle j’ai participé en compagnie d’une vingtaine d’autres apnéistes internationaux. Sur ce site parfait, profond mais proche du rivage, à l’abri des courants et du vent, j’ai abordé l’épreuve de bi-palmes en excellente forme physique, concentré mais mentalement détendu. Et voilà le résultat.

Arnaud Jérald - Plus que quelques mètres avant la surface - © Takuya Terajima

 Plus que quelques mètres avant la surface, les apnéistes de sécurité entourent Arnaud. © Takuya Terajima

Subaqua : Ce record est un bonheur à titre personnel mais que tu as tenu à partager. C’est bien ça ?

Arnaud Jerald :
Oui car je ne suis jamais seul, il y a toute une équipe autour de moi qui m’aide, me conseille et me motive. Mes performances, je les partage donc avec la dizaine de personnes, dont ma compagne Charlotte Benoit, également apnéiste, qui m’accompagne au quotidien. Sans elles, rien de ce que j’accomplis n’aurait été possible.

Subaqua : Comment te prépares-tu en ce moment ? Es-tu gêné par la situation actuelle ?

Arnaud Jerald :
Pas vraiment car la période de compétition s’arrête en septembre pour reprendre au printemps. Donc en ce moment, c’est une période d’entraînement. Je ne vais pas en mer mais je nage tous les jours en piscine au Cercle des nageurs de Marseille (CNM). J’apprécie l’environnement très pro de ce club, il y a du niveau, c’est motivant. En parallèle, je fais beaucoup de VTT, c’est l’activité parfaite pour avoir des cuisses solides. Je travaille aussi les étirements avec mon kiné.

(1) Battu par le Russe Alexey Molchanov (- 110 m). Un mois plus tard.
 

Subaqua : Quels sont tes objectifs pour cette nouvelle année ?

Arnaud Jerald :
Je vais continuer à nager en bi-palmes et pourquoi pas concourir aussi en monopalme. Cependant, si j’ai gagné en expérience et que le travail fourni commence à porter ses fruits, je ne me fixe pas de niveau de performance. On verra selon ce qu’auront donné les entraînements. Je ne suis pas dans une course au record. Pour moi, la sécurité et la confiance sont primordiales. J’invite d’ailleurs, à ce sujet, à visionner le documentaire « La sagesse des profondeurs » (ci-après). Enfin, parallèlement à la compétition, je m’implique dans des projets artistiques qui me correspondent, à travers notamment la réalisation de photographies sous-marines.

 

 

(1) Battu par le Russe Alexey Molchanov (- 110 m). Un mois plus tard

 

À PROPOS D’ARNAUD JERALD

Ce pur Marseillais (il est né dans la cité phocéenne le 27  février 1996) découvre l’apnée à l’âge de 7 ans aux côtés de son père, pêcheur sous-marin. À 16 ans, premier stage d’apnée, puis Arnaud débute la compétition en 2017, année couronnée d’emblée par un titre de champion de France et une médaille de bronze aux championnats d’Europe. Cette année-là aussi, il atteint pour la première fois les - 100 m en monopalme. Dès l’année suivante, il remporte à 22 ans une médaille d’argent aux championnats du monde en bi-palmes, avec une performance à - 101 m. Sa progression est constante : en 2018, il signe un nouveau record de France (- 102 m), en 2019, décroche le record du monde d’apnée en poids constant bi-palmes (- 108 m), avant de le battre à nouveau en 2020 avec - 112 m.

Interview parue dans le Subaqua #294 - Rubrique Côté Sports