Plonger après un cancer

Le cancer touche environ 400 000 personnes par an en France...

Si plus d’un patient sur deux en guérit, un stress post-traumatique s’installe fréquemment. Il est possible de surmonter cette épreuve grâce à une aptitude appelée résilience. Or la plongée sous-marine peut contribuer à l’acquérir et à la développer. Entretien avec sa présidente, la cancérologue Élisabeth Carola.

Que sait-on du cancer ? 
Quels retentissements sur la personne qui en est atteinte et quel espoir de guérison ?

Aujourd’hui, grâce à des diagnostics plus précoces et des traitements plus efficaces, plus d’un patient sur deux guérit du cancer. Cependant, le traumatisme du diagnostic de la maladie cancéreuse et les effets des traitements entraînent souvent des répercussions sur les plans émotionnel, physique, psychique et social qui persistent après la fin de la prise en charge thérapeutique. Le proche du patient est un acteur majeur dans ce parcours et subit, lui aussi, ces désordres psychiques et émotionnels.


C’est pour venir en aide à la fois au patient et à ses proches que votre association Plongée Résilience a vu le jour ?
Comme dit Boris Cyrulnik, « Qu’un seul point d’ap-pui soit offert et la construction reprendra ». C’est la vocation de Plongée Résilience, qui a pour ori-gine une rencontre entre soignants avec la plongée sous-marine. En maintenant un niveau élevé de pleine conscience (lire page 13), nous pensons que sa pratique conduit à un niveau élevé de résilience, terme qui en psychologie traduit la capacité à sur-monter les chocs traumatiques. Et dans ces der-niers, la survenue d’un cancer figure, à l’évidence, en bonne place. Parmi nos membres, justement, une jeune oncologue, Léa Loriguet, s’intéresse de près aux soins de support oncologiques.


Que sont donc que ces soins oncologiques de support ?
Il s’agit principalement de consultations de psycho-logues, des conseils diététiques et des cours d’ac-tivités physiques adaptées (APA). Depuis plusieurs années des structures proposent de tels soins de support oncologiques à destination des patients ainsi que de leurs proches. Cet accompagnement a prouvé son intérêt au moment de l’annonce de la maladie, au décours du traitement et dans la continuité de la prise en charge. Il a été prouvé une diminution du stress et une amélioration de la tolé-rance thérapeutique. Le risque de récidive dans cer-taines localisations tumorales pourrait être réduit. Par exemple, il a été démontré que la rechute d’un cancer du sein est diminuée de 20 % si l’on pratique trois heures d’activités physiques par semaine !
 

Dans le cadre de ces APA, quel rôle occupe la plongée sous-marine ?
Quel plongeur n’a pas ressenti un bien-être et un apaisement à la fin d’une belle plongée ? Et puis, la plongée étant une activité physique, sa pratique est susceptible également d’apporter un effet positif sur la santé et sur le stress. Plus précisément, différents processus pourraient être impliqués dans les bénéfices de la plongée sous-marine. Tout d’abord, des mécanismes physiologiques respiratoires grâce à l’utilisation du détendeur qui amène une respiration ample et profonde. Ensuite, par l’effet de l’immersion sur les capteurs proprioceptifs et somesthé-siques et par des mécanismes psychologiques de conscience de soi. La plongée permettrait une meilleure perception de ses sensations, de ses mouvements. La bonne qualité du ressenti corporel participerait à une meilleure régulation du stress. Ces caractéristiques sont d’ailleurs proches de celles développées pendant la méditation. Enfin, la mise en place lors de la plongée du processus de pleine conscience favoriserait le contrôle du stress chronique ou post-traumatique. À ce sujet juste-ment, une étude, appelée DivStress et publiée récemment(1), rapporte le bénéfice significatif de la plongée sur le stress perçu et l’état de pleine conscience par rapport à une activité sportive intense classique, de type course à pied, kayak, escalade ou encore randonnée.
 

Bien que Plongée Résilience soit jeune et que vos actions aient été contrariées par la crise sanitaire, quel bilan faites-vous du travail mené par votre association ?
Notre projet a été effectivement lancé dans l’Oise juste avant la pandé-mie. Dès la première année, une vingtaine de personnes a adhéré au programme. Un tiers des adhérents étaient des proches. La moitié des clubs de l’Oise au terme de cette première année a souhaité devenir partenaire de l’association. Pour quelles raisons ? L’accueil de ce public particulier, les patients et leurs proches, a apporté aux membres un nouveau sens au partage de la passion de la plongée. Le sentiment d’être utile socialement a enthousiasmé les moniteurs. Du côté des ad-hérents, l’expérience est des plus positives (lire page 43 le témoignage d’Émilie). D’ailleurs, la plupart compte s’inscrire au-delà du programme de l’association dans les clubs d’accueil. Un point important est que notre concept peut être développé sur tout le territoire, en particulier dans des clubs en bord de mer. Déjà, un centre varois a reçu un pre-mier groupe de l’association, alors qu’un second a déclaré son intérêt de le faire.
 

Le succès de votre programme est donc au rendez-vous…
Oui, et sa recette réside avant tout dans la motivation d’une équipe mé-dicale oncologique en binôme avec un médecin fédéral. L’implication du président du club d’accueil et de son équipe est aussi essentielle.

Témoignage

Se glisser sous l’eau permet d’oublier une maladie, ayant bien souvent un fort impact sur la qualité de vie du patient et un retentissement psychologiques conséquent. Ce dont témoigne parfaitement Émilie après une toute première sortie en mer, à Bormes-les-Mimosas en septembre 2020 entre deux vagues Covid : « La plongée ? Une parenthèse enchantée dans ce quotidien si anxio-gène ! Les moniteurs partagent leur passion communicative avec une sincérité totale. La sensation sous l’eau est extra. Je recommande à tous cette expérience. »

(1) L’étude DivStress, réalisée à Marseille par le Dr Coulange (voir par ailleurs en pages 36-37) avait permis de démontrer le bénéfice de la plongée sur le stress perçu et la capacité à gérer l’imprévu chez des sujets sains. Dans la continuité de cette étude, DivHope, menée auprès de 40 victimes du Bataclan, a pour objectif de diminuer le stress post-traumatique par la plongée.

Qu'est-ce que la pleine conscience ?

La pleine conscience est un état de conscience qui consiste à porter son attention intentionnellement, au moment présent, sans juge-ment sur l’expérience qui se déploie moment après moment. Les programmes « Réduction du stress » basés sur la pleine conscience, ont montré une amélioration des variables psychologiques (Cramer et al., 2012) chez des patients traités pour une maladie cancéreuse, ainsi qu’un impact sur la fatigue en post-traitement (Johns et al., 2015).

L'association Plongée Résilience

Plongée Résilience propose aux patients atteints de cancer et à leurs proches de pratiquer la plongée sous-marine pour favoriser leur processus de rési-lience post-traumatique. L’adhésion est ouverte à tous, plongeurs, équipes soignantes spécialisées en cancérologie, patients guéris ou en rémission complète (après avis de leur cancérologue), proches sensibilisés autour de ce combat. L’association coordonne l’activité en partenariat avec des clubs affiliés à la FFESSM. Elle travaille notamment avec quatre clubs : le GASP Pont Sainte Maxence 60, le Subaquatique Creillois 60, le LAC Liancourt 60 et le CSAM Plongée Toulon 83. À noter également que dans la capitale, le club Aquademie Paris Plongée, mis en place par le Pr Lotz en 2009, a pour objectif d’amener à la plongée des personnes ayant subi un traitement pour un cancer, de leur baptême jusqu’à l’obtention de leur premier niveau de brevet de plongeur.

Convention de partenariat : une convention de partenariat est proposée aux clubs de plongée souhaitant participer au programme de l’association Plon-gée Résilience. L’association prend en charge l’accompagnement médical des patients, le club les accueille comme membres directs de leur structure. Les moniteurs et les personnels soignants collaborent autour du programme.

Le programme des activités : dans un premier temps, les patients et leurs proches bénéficient d’un pack découverte. Si cette étape est positive, il leur est proposé une inscription à la formation niveau 1 sur une saison, selon les pratiques habituelles de la FFESSM. L’association prend en charge les frais d’inscription à cette formation en club. Elle organise et finance la sortie en mer qui valide les niveaux 1.

Contact Association Plongée Résilience :
Service d’Oncologie, GHPSO - Boulevard Laennec 60100 CREIL 
Tél. : 03 44 61 63 03 - Courriel : plongeeresilience@gmail.com